Confiance (1/2)

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Le 14 mai dernier, j’étais au colloque organisé par la chaire de Cyberdéfense et Cybersécurité de Saint-Cyr. Intéressante journée qui a beaucoup évoqué le thème de la confiance.

source.

Lorsqu’on parle de confiance, il est rare de passer à côté du poncif la confiance n’exclut pas le contrôle. Mais cet aphorisme des temps modernes est-il vraiment juste ?

Selon le wiktionnaire, la confiance est le sentiment de sécurité vis-à-vis de quelqu’un ou quelque chose. Ses synonymes sont foi et sûreté, ses antonymes crainte, doute, méfiance, défiance, soupçon et suspicion. Puisque la confiance exclut la crainte, le doute et le soupçon, pourquoi contrôler les actes d’une personne à laquelle on déclare faire confiance ? Et cette maxime n’est valable que dans une relation de subordination, car je ne peux contrôler que si je suis dans une position hiérarchique le permettant : un capitaine peut contrôler la (pseudo) confiance qu’il place en un caporal, mais comment le caporal peut-il contrôler la (pseudo) confiance qu’il place en son capitaine ?

Une autre tarte à la crème moderne est de rapprocher confiance et transparence, la transparence étant décidément à la mode de nos jours.

Tout ceci me paraît, une fois encore, abusif. Si j’ai confiance en quelqu’un, j’accepte de lui livrer une de mes vulnérabilités, espérant qu’il ne l’utilisera pas contre moi, que ce soit à mon insu ou franchement. La confiance est donc initialement un pari, plus ou moins risqué, mais un pari quand même, car on n’est trahi que par les personnes auxquelles on fait confiance. Je pense d’ailleurs qu’il y a plusieurs niveaux de confiance :

  1. la confiance a priori (je lui fais confiance, mais je conserve par devers moi une certaine inquiétude) ;
  2. la confiance d’usage (jusqu’à présent il ne m’a jamais trahi, je peux donc lui faire confiance) ;
  3. la confiance éprouvée (j’ai vérifié par le passé que dans les difficultés il ne me trahissait pas).

Certains y ajoutent un 4° niveau, la foi en quelqu’un, mais j’avoue être réservé.

Mouvement volontaire, la confiance ne peut être confondue avec la transparence, car la transparence est une contrainte, c’est-à-dire quelque chose qu’on m’impose. Lorsque je fais confiance à quelqu’un, j’accepte que son mode opératoire me reste inconnu. Et d’ailleurs, peu importe ce mode opératoire, puisque je fais confiance. Alors que la transparence impose que le mode opératoire puisse être disséqué et évalué, donc que rien ne demeure caché.

Nous pouvons alors évoquer la question de la confiance dans l’Internet. L’Internet peut-il être un espace de confiance ? Plus j’y pense et plus je trouve cette question absurde. L’internet n’est pas plus un espace de confiance que la terre, la mer ou l’espace. Il peut s’y nouer des solidarités, des relations de plus ou moins grande confiance, mais celui qui proclamerait « faisons de la terre un espace de confiance » serait pris pour un gentil demeuré. Alors que la transposition de cette affirmation dans le cyber espace confère à son auteur une aura de sérieux et de philanthropie remarquable… Jetez un œil sur le dernier titre intermédiaire de cet article.

Nous en arrivons maintenant aux questions politiquement incorrectes (auxquelles je n’ai pas eu de réponse ce jour-là) qui sont :

  • comment puis-je dire que j’ai confiance si je contrôle toujours après coup ? Ex : un couple qui se fait confiance passe-t-il son temps à chercher l’amant ou la maîtresse cachée ?
  • comment puis-je parler de confiance dans une relation commerciale ? Ex : si mon contrat avec mon fournisseur s’achève demain et que je ne souhaite pas le renouveler, je fais confiance jusqu’aujourd’hui et demain je m’en méfie ?
  • enfin, avec l’espionnage généralisé (LPM, NSA), comment puis-je faire confiance à un État qui ne me fait lui-même pas confiance puisqu’il saisit toutes les occasions de me surveiller ?

In fine, je pense qu’on ne peut faire confiance qu’à des personnes. Faire confiance à des institutions est absurde. On peut compter sur elles pour qu’elles remplissent une mission, mais en fin de mission nous ferons les comptes et déciderons si on peut à nouveau compter sur elles. En aucun cas il ne peut donc être question de confiance. Foin de toute sinistrose, finissons sur une note optimiste avec ce lien.

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3 Replies to “Confiance (1/2)”

  1. Hier, dans une réunion traitant de la sécurité du cloud et de l’informatique mobile, un orateur a cité l’auteur de « la confiance n’exclut pas le contrôle ». Il s’agit de Lénine…
    Pour paraphraser cet aphorisme, on pourrait dire également « la confiance n’exclut pas la méfiance ».

  2. L’ouvrage de Robert Branche « les radeaux de feu, diriger par émergence » aborde cette question de la confiance dans ses pages 200 à 206. « Toute confiance est un pari. Elle est une inférence à partir du passé et une croyance fondée sur cette induction. »

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