Management 0.0

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À l’heure des annonces du tout 2.0 voire de la migration vers le 3.0 (web, entreprise, objets, etc.), on pourrait croire que le management évolue au même rythme. L’observation nous montre qu’il semble cependant que quelques poches de résistance existent et apparaissent, invitus invitam, généralement à l’occasion de scandales. Nous allons aujourd’hui nous pencher sur le management 0.0, celui que la Terre entière pensait avoir éradiqué.

source.

Comme tout tabouret solide (dit-on), le management 0.0 repose sur trois pieds éprouvés :

  1. prédation ;
  2. complexification ;
  3. déresponsabilisation.

Michel Volle a amplement développé le thème de la prédation et de l’entreprise. Je ne le referai pas, mais me contenterai de citer quelques exemples.
Microsoft a racheté Nokia (certes mal en point) pour en faire un simple souvenir, sans que cela améliore pour autant les OS à la fenêtre.
Mittal a racheté Arcelor, et l’entreprise rachetée a été… laminée (si l’on peut dire).
Volkswagen est un autre exemple de cette prédation : tout devait être effectué pour gagner des parts de marché, mais l’affaire vient de s’interrompre brutalement.
Quant à la FIFA, l’organisation du dernier mondial de football au Brésil a prouvé sa voracité financière, au mépris du peuple du pays organisateur.

La complexification est un autre volet de ce management. Les problèmes qui se posent aux entreprises sont, du fait de l’environnement actuel, complexes, mais la réponse apportée consiste souvent à ajouter de la complexité à celle qui existe déjà. Cela se voit notamment avec le cas des arnaques au faux président pour lesquelles il existe des réponses simples, alors que des réponses complexes sont développées.
Comme si un surcroît de complexité rassurait, la simplicité n’étant pas digne de l’idée que l’on se fait du problème.
Un des corollaires de la complexification est un recentrage de chacun sur soi dans l’entreprise, à cause de l’impossibilité de tout maîtriser. Ce qui amène aussi à des ségrégations : Le monde des cols blancs prend donc ses pauses d’un coté du bâtiment sans jamais croiser celui des cols bleus, qui lui continue de prendre les siennes à l’entrée des quais. Au cours du temps, le fil tenu de cohésion qui existait entre cols bleus et blancs a disparu. Avant, pendant les pauses, le commercial apprenait les problèmes du chauffeur avec un client ou sur une tournée. L’agent de quai comprenait les exigences de certains clients… Ces échanges, que l’on appelle réseautage informel, ont disparu et la méfiance s’est instaurée entre les deux mondes. Chacun travaille dans son coin sans comprendre les réalités des autres.

Enfin, la déresponsabilisation se révèle lorsque les deux éléments précédents sont arrivés à leur paroxysme. Elle apparaît dans les justifications avancées par ceux qui, précisément, se présentent comme responsables. Le dernier exemple est (encore) VW où nous avons vu le président s’exprimer devant les caméras de télévision, sans pour autant envisager un seul instant de démissionner. Il est vrai qu’une démission n’aurait pas résolu la crise. Mais la société du spectacle dans laquelle nous vivons (et de laquelle certains dirigeants profitent, d’ailleurs) a ses codes…
La FIFA qui est (très vraisemblablement) corrompue, voit ses hauts dirigeants démissionner ou être démis de leurs fonctions, à l’exception notable de son président. N’était-il pas au courant de ce qui se tramait ?
Quand on poursuit l’étude de l’affaire VW, on apprend que Le groupe impute la responsabilité de la manipulation à « un petit groupe de personnes », et a suspendu certains salariés. La presse a évoqué le chiffre d’une douzaine, parmi eux le chef des activités de recherche-développement de la filiale Audi. Les aveux déjà recueillis n’ont pas apporté d’éclaircissement sur l’identité des commanditaires de l’installation du logiciel, explique Bild. Voilà des chefs que l’on suivrait au bout du monde… mais au bout d’un fusil seulement !
Quelques questions en suspens : qui est responsable de la déconfiture d’Alstom ? De celle d’Areva ? Etc., etc.

Tout ceci est bien beau, me direz-vous, mais avez-vous un exemple qui récapitule ces trois éléments ? Of course !
Prenons la frappe aérienne sur l’hôpital de Kunduz (Afghanistan).
Nous avons en préalable la prédation des USA sur l’Afghanistan. L’Empire n’en a pas retiré grand chose, mais c’est une autre histoire.
La complexification et la déresponsabilisation éclatent dans cet article : les forces afghanes « ont demandé un soutien aérien aux forces américaines », qui ont déclenché une frappe aérienne, a déclaré le général Campbell, sans préciser quelle autorité avait autorisé l’avion à ouvrir le feu. On ne sait pas qui donne l’ordre de tir, on ne sait sûrement pas qui a donné l’ordre aux avions d’aller battre des ailes dans ce coin, bref la complexification de la chaîne de décision est un bon alibi. Le général Campbell a déclaré « Si des erreurs ont été commises nous les reconnaîtrons. Ceux qui en sont responsables devront rendre des comptes, et nous prendrons des mesures pour éviter qu’elles se reproduisent. » et précisé que ce bombardement avait eu lieu à la demande des forces afghanes. Voici un bel écran de fumée que le chef de la mission de l’OTAN en Afghanistan entretient.
Être chef, c’est précisément être responsable avait déclaré Saint-Exupéry…

Que les employés des entreprises privées se rassurent. Le management 0.0 n’est pas l’apanage de l’entreprise. Nous le retrouvons également au sein des États : la pression fiscale excessive montre un comportement prédateur.
La complexification incessante des règles (administratives, fiscales, etc.) n’est plus à démontrer.
Quant à la déresponsabilisation, elle s’exprime au moment des élections où l’on nous explique que si la situation est mauvaise, c’est à cause de la crise et non de l’inadéquation des mesures prises.
C’est aussi le cas dans des administrations régaliennes : Pour décrypter les données (il y avait au total plus de 100 000 noms), Éric de Montgolfier s’adresse à l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale. Au retour, il découvre que la liste n’est pas complète, le nom de l’ancien préfet Jean-Charles Marchiani, proche de Charles Pasqua, a, par exemple, été retiré ! « Concrètement, la gendarmerie ne m’a pas donné une liste complète. (…) Pas de chance, ça aurait pu être Dupont, c’est tombé sur Marchiani. Il y a eu des promotions ensuite à la gendarmerie », lâche l’ancien magistrat, aujourd’hui à la retraite. Mais que n’a-t-il poursuivi les gendarmes en cause, il en avait pourtant le pouvoir en tant que procureur…

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