Étonnante Estonie (1/3)

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L’Estonie est un pays étonnant. Tout le monde se souvient de l’attaque de 2007 qui a frappé le pays et l’a paralysé un certain temps. On en trouve encore une relation ici et .

Il est cependant intéressant de savoir que les troubles n’eurent pas lieu qu’en Estonie. L’ambassade d’Estonie en Russie a connu également des moments… mouvementés.

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Depuis, le pays a renforcé sa cybersécurité, et lorsqu’on se fait présenter ses caractéristiques cyber (ou numériques), on peut être frappé du niveau de développement d’un pays qui partait de rien au moment de son indépendance retrouvée il y a une vingtaine d’années.

Depuis peu, l’Estonie est à la mode. Tout le monde s’y presse pour voir comment cette ancienne république soviétique a réussi sa transformation numérique.

Il est vrai que le pari était hardi, car passer du soviétisme au numérique représente un écart… assez grand. Pourtant l’Estonie l’a réussi.

Quel en a été le prix ? Bien peu étudient cette question, ce qui est dommage. On peut penser que, dans un premier temps, la pauvreté a été la rançon de l’indépendance, Moscou ne voyant pas d’un œil très bienveillant son ancien « protégé » s’éloigner. Puis ont eu lieu quelques épurations, en douceur, mais radicales, qui ont mené à un profond renouvellement de la classe dirigeante. Ce qui est proclamé chez nous, avec l’arrivée de marcheurs, a été une réalité là-bas. Au-delà de la question générationnelle, il pourrait être utile de se demander, dans notre bonne Gaule, s’il est vraiment possible de numériser le pays tout en laissant aux commandes de son administration des personnes qui n’y comprennent rien.

Avis aux amateurs, je suis prêt à ouvrir les colonnes de ce blog aux enquêtes relatives au prix de la numérisation estonienne.

Je vous propose, après cette introduction, quelques billets relatant mes visites estoniennes de février dernier. Chance, il n’y a pas fait trop froid…

Débutons par un compte-rendu de la visite à l’e-Estonia showroom passage obligé de toute visite septentrionale

L’Estonie est un pays de 1,3 millions d’habitants, de 45 339 km² (donc plus grand que la Suisse, la Belgique, les Pays-Bas), qui utilise l’euro et dont le PIB est de 25,9 milliards de dollars.

L’Estonie s’est engagée dans l’e-administration afin de rentabiliser le budget limité de l’État (ce qui a poussé à l’inventivité, source d’efficience) et de simplifier la vie des citoyens. Il n’est effectivement plus suffisant de pouvoir accéder aux services publics via un PC, il faut pouvoir y accéder via tablette ou smartphone, y compris au milieu de la forêt estonienne. C’est ainsi que 99 % du territoire estonien sera couvert par la 4G. À cette occasion, l’État a réalisé qu’il était un fournisseur de services dont le client est le citoyen.

La quasi-totalité (99%) des services sont réalisables en ligne. Seules les procédures de mariage, divorce, vente ou achat de bien immobilier ne peuvent l’être, car il s’agit de protéger les citoyens contre une contrainte extérieure. La loi définit les conditions d’accès aux données personnelles (qui restent propriété des individus, l’État en étant le protecteur), notamment par les services de police et les compagnies d’assurance.

L’État estonien a construit une plate-forme internet unique d’accès aux services publics (environ 2000), fondée sur des standards ouverts, conçue et élaborée à partir de zéro, et mise en œuvre depuis1996. Afin d’être adaptée aux nouveaux terminaux informatiques, aucune technologie n’est conservée plus de 30 ans. S’il faut reconnaître que certains services proposés sont plus performants dans d’autres pays, la compréhension d’ensemble des services est la plus grande en Estonie.

Le Gouvernement considère que l’accès à Internet est un droit social, et 88% des habitants disposeront d’une connexion de 100 Mb/s d’ici 2018. La 3G et la 4G doivent être déployées sur l’ensemble du territoire d’ici 2018, la 5G sera expérimentée cette même année. Si le déploiement des réseaux relève du secteur privé, le Gouvernement fait installer les infrastructures et se montre très attentif à l’accès aux territoires éloignés, aux populations âgées, aux écoles, etc.

Ainsi, s’il est possible de voter via l’Internet (30% des personnes votent en ligne), il est toujours possible d’être accompagné par des services sociaux vers des bureaux de vote physique. Le vote électronique a jusqu’à présent été conçu comme une option, qui n’a pas vocation à se substituer au vote « physique », mais sa pratique se diffuse très rapidement.

La carte d’identité électronique (taux de pénétration 94%) permet de sécuriser l’accès aux services publics, en minimisant les possibilités d’usurpation de l’identité. Elle permet de vérifier ses informations personnelles, vaut carte d’électeur, permis de conduire, carte d’accès aux transports collectifs, cartes de fidélité dans les magasins, carte d’assurance maladie. Sa validité est de cinq ans, et en cas de perte, elle peut être remplacée sous un à trois jours, sur présentation du certificat de délivrance de la carte perdue ou cassée.

La déclaration de revenus dure en moyenne moins de trois minutes, car les champs pré-remplis par l’administration sont en général suffisants. Lorsqu’un enfant naît, il est nommé par ses parents et l’hôpital déclare sa naissance, signant ainsi le début de sa vie administrative.

La dématérialisation des prescriptions médicales permet à chaque patient de se faire délivrer les médicaments dans n’importe quelle pharmacie ou de consulter n’importe quel spécialiste pour avoir accès aux soins prescrits. Les soins sont même accessibles en Finlande du fait des fortes relations entre les deux pays.

On peut déclarer une entreprise en ligne en 18 minutes, mais le temps qu’un agent public vérifie les informations publiées est estimé à un voire deux jours.

L’État estime que la signature digitale peut faire économiser 2% du PIB par an. Il travaille beaucoup sur la sécurité informatique, utilisant la technologie de la blockchain pour minimiser le temps de découverte des cyberattaques. La gestion des droits d’accès est rigoureuse, les connexions se font en mode « point à point », sans centralisation de l’information.

L’Estonie développe le concept de « data embassy » consistant à utiliser ses ambassades comme centre de secours de stockage des données. Cette solution permettra de mieux résister à des attaques informatiques et de minimiser les temps d’accès à leurs données des citoyens estoniens résidant à l’étranger.

Enfin, l’État offre à tous les étrangers souhaitant créer une entreprise en Estonie la possibilité de devenir « e-resident » afin de leur faciliter l’accès aux services régaliens. Cette possibilité semble se développer suite au Brexit, si l’on en croit la presse : An online residency scheme aimed at attracting entrepreneurs to incorporate their firms in Estonia is gaining popularity in the U.K., following the country’s decision to leave the European Union.

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