Achats embrouillés
Il est récurrent d’entendre proclamer qu’il faut faire du cyberespace un espace de confiance. Cette affirmation, élevée au rang de mantra au même titre que « il faut centrer le cyber sur l’humain » me semble d’une valeur similaire à celle que ne cessent de répéter les constructeurs : « nous faisons de la security by design ». Je ne crois toujours pas à cette dernière affirmation, vous pouvez consulter les explications dans un billet précédent.
Mais dans le présent billet, je vais vous raconter l’histoire absolument pas amusante que j’ai titrée « les achats embrouillés. »
De quoi s’agit-il ? Un beau jour, je reçois un SMS m’indiquant que « votre abonnement de 10 EUR TTC par mois à Mob4game est pris en compte. Plus de détails sur votre espace client SFR ». Une heure après, même topo, sauf que cette fois le bénéficiaire est slapstickvids.
Les abîmes de la perplexité s’ouvrirent alors sous mes pas, n’étant jamais allé sur ces sites.
J’ai donc contacté mon FAI (faut attendre indéfiniment) de compétition, celui dont le patron a récemment déclaré qu’on ne s’occupait pas assez bien des clients chez lui. OK, péché avoué à moitié pardonné, mais il reste quand même l’autre moitié à gagner.
Et là, stupéfaction !
En fait, non, je vous ai déjà révélé la vraie signification de SFR : S’en Fout Royalement.
Qu’apprends-je donc, en contactant l’assistance par chat de mon offre sans assistance ? Qu’en fait, pour stopper définitivement tout achat de ce style, il faut modifier son espace client en sélectionnant truc, cliquant sur machin, cliquant sur trucmuche et, enfin, vous êtes libéré. Gloar da Zoué !
Manifestant encore mon opposition à ce que 20€ quittent ma poche pour engraisser des ***, j’apprends que SFR continue de faire du SFR, à savoir qu’il S’en Fout Royalement…
Ayant la chance de connaître des cyberlutteurs pas loin de chez moi, je leur expose le problème, car il est typique des arnaques qui prolifèrent sur le net : un petit montant qui passe inaperçu mais qui est répété suffisamment souvent pour être fructueux. Un peu comme la fausse monnaie : si on veut vivre longtemps de cela, mieux vaut se lancer dans le commerce de petites coupures…
Ce que j’ai appris est instructif :
(…) Toutefois il ne s’agit pas, à proprement parler, d’une escroquerie. Il s’agit:
– éventuellement, d’une pratique commerciale trompeuse
– plus probablement, d’une lecture trop rapide des « petits caractères du contrat »
Concrètement, il s’agit de services en ligne de type « Internet+ », similaires aux services de type « SMS+ » (qui, eux, utilisent le vecteur GSM). Les services en ligne de type « Internet+ » fonctionnent de la façon suivante:
– avec son abonnement 3G/4G, l’internaute navigue sur Internet depuis son smartphone
– volontairement ou pas (ex.: fenêtres pop-up publicitaires, liées à divers contenus licites: jeux en ligne, pornographie, paris sportifs, films/vidéos, etc), l’internaute arrive sur une page qui apparaît anodine mais qui, en réalité, contient des contenus payants de type « Internet+ ». Dans ce cas, le simple fait de cliquer sur l’un des contenus de la page génère automatiquement une facturation supplémentaire directement auprès de l’opérateur 3G/4G. Cette facturation peut être ponctuelle (à l’acte / au clic) ou engager l’internaute mobile dans un abonnement (facture mensuelle récurrente). Ce type de contenu et sa facturation sont signalés à l’internaute, mais il est vrai que la charte graphique utilisée pour prévenir l’internaute est généralement (très) discrète. Voici quelques copies d’écran :
– attention, dans le cas où les enfants/adolescents disposent d’un abonnement 3G/4G « lié » à celui de leurs parents, la navigation sur ces sites par les enfants peut générer une facturation sur le compte des parents.
Et voilà.
Elle n’est pas belle la vie ?
Si je ne récupérerai jamais les 20€ en question, j’en déduis qu’en laissant prospérer de telles pratiques, la confiance sur le net n’est pas près d’aboutir. Il serait donc bon que, de temps en temps, nos grands orateurs patentés aillent voir dans la vraie vie virtuelle (cette formule, j’en suis assez content) comment cela se passe. Et les régulateurs compulsifs ont là un beau terrain de jeu qu’ils peuvent arpenter à loisir.
Alors, chiche, vous vous y mettez ?
Sinon, il ne nous restera qu’à dire, comme dans « le cave se rebiffe » :
Je connais ton honnêteté mais je connais aussi mes classiques. Depuis Adam se laissant enlever une côte jusqu’à Napoléon attendant Grouchy, toutes les grandes affaires qui ont foiré étaient basées sur la confiance.
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