La supériorité algorithmique
En préparant les actes du récent colloque la donnée n’est pas donnée, plus particulièrement en rédigeant l’article qui en fera partie, je me suis posé la question de ce que j’ai nommé la supériorité algorithmique. De quoi s’agit-il ?
A force de formuler et reformuler sa pensée afin qu’elle soit claire (enfin, le plus possible), j’ai fini par trouver cette expression. En passant, merci à Dominique, un de mes relecteurs attitrés.
J’en viens donc à écrire dans cet article : Parler de puissance financière dans le domaine de la sécurité intérieure amène à évoquer les organisations criminelles. Leurs grandes ressources risquent de leur permettre d’investir dans une R&D suffisamment forte pour concurrencer celle des États, construire et utiliser un big data afin de contrer leur volonté et l’action de leurs forces de sécurité. Y aura-t-il alors affrontement d’algorithmes pour conquérir la maîtrise de la sécurité ? Ce qui nous amène à poser la question de la supériorité algorithmique, dont l’objectif est la supériorité informationnelle, comme il existe une supériorité aérienne ou maritime. S’il a lieu, cet affrontement sera le terrain privilégié de la manifestation du pouvoir discriminateur du neurone. Le pouvoir discriminateur du neurone étant évoqué dans mon livre l’entreprise, nouveaux défis cyber, ce pouvoir étant dans le cyberespace le pendant du pouvoir égalisateur de l’atome dans le monde réel.
Sur ces entrefaites, Thierry Berthier m’envoie l’adresse de son article sur la DARPA publié dans le Huffington Post. Il y parle du programme Brass qui a pour objectif de construire des applications logicielles capables de s’adapter aux changements sans aucune reprogrammation. La Darpa souhaite créer ainsi le premier logiciel capable de durer 100 ans en restant performant et fonctionnel. Ce pourrait être de la science-fiction. Mais ce qui est intéressant est qu’il poursuit ainsi : ces systèmes s’adapteront dynamiquement aux changements de ressources dont ils dépendent et aux évolutions de l’environnement dans lequel ils opèrent, et s’il devient réalité, il sera la meilleure réponse aux problèmes de cybersécurité puisque les mises à jour s’effectueront au même rythme que les cyberattaques. Nous sommes en plein dans cette question de supériorité algorithmique, quand bien même le terme n’est pas employé.
La supériorité algorithmique n’est pas nouvelle me direz-vous. Vous aurez raison, elle est à l’œuvre dans les transaction à haute fréquence (THF) qui est l’exécution à grande vitesse de transactions financières. Nihil novo sub sole effectivement puisqu’une banque ne pouvait être meilleure qu’une autre à ce jeu que si son algorithme était plus puissant. Là où nous entrons dans la nouveauté, c’est que cet affrontement sort d’un champs clos et se répand dans tous les domaines d’activité. De ce fait, des questions réellement fondamentales peuvent se poser : le développement de toute cette machinerie ne va-t-il pas reléguer l’homme au rang de spectateur d’abord, de sujet passif ensuite ?
Toutes vos contributions à ce débat sont les bienvenues.
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