Ex machina

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J’ai vu récemment le film ex machina d’Alex Garland. Il vient à point nommé puisque les questions sur ce qu’est un homme abondent, du moins en creux, au vu du nombre de celles que l’on pose sur les robots.

Source.

L’histoire est assez simple. Le patron d’une société informatique offre à l’employé qui a gagné la loterie interne une semaine avec lui dans sa retraite afin de faire passer aux humanoïdes créés un test inspiré de celui de Turing. Rappelons que le test de Turing consiste à mettre en confrontation verbale un humain avec un ordinateur et un autre humain à l’aveugle. Si l’homme qui engage les conversations n’est pas capable de dire lequel de ses interlocuteurs est un ordinateur, on peut considérer que le logiciel de l’ordinateur a passé avec succès le test.

Au fur et à mesure de l’écoulement du temps et de ses dialogues avec un robot, Caleb (l’invité) se demandera s’il n’est pas lui-même un robot, avant que la créature se révolte contre son créateur.

Scénario classique, mais le film est assez bien fait car il scrute la volonté de puissance (accompagnée de manipulation) du créateur qui a tendance à se prendre pour Dieu. Or son meurtre final montre la mort de Dieu et donc l’absence de Deus ex machina pour résoudre le problème posé : comment distinguer le robot de l’humain ?

Il pose aussi la question de la pertinence du test de Turing, ou plutôt des conclusions qu’on en tire, parfois hâtivement. Suffit-il qu’une machine réussisse ce test pour affirmer qu’elle est l’équivalent de l’homme ?

Quelques bémols cependant. Le film occulte la naissance/création/apparition de la volonté et de la conscience chez le robot, ce qui est regrettable, car c’est une question fondamentale qui sous-tend la définition de l’Homme. Celui-ci se définit-il par la conscience (mais quid alors des états non conscients – sommeil, coma) ou par la volonté, ou par autre chose ? Puisque la volonté naît du désir, comment celui-ci naît-il ?

On en déduit que si le robot peut s’identifier à l’Homme, la réciproque est aussi vraie tant que la réponse aux questions précédentes n’est pas apportée ou occultée.

D’autres réflexions se font jour. Si l’Homme est, comme un robot, une simple machine évoluée, on peut alors industrialiser sa production, et les recherches sur le vivant et l’intelligence sont légitimes. Il est intéressant de noter que la combinaison des deux peut s’apparenter au transhumanisme en vogue. Ne perdons cependant pas de vue que la dernière tentative de création d’un Homme nouveau fut celle de l’homo sovieticus, éclatante réussite, tout le monde le proclame…

Si l’Homme est une machine évoluée, alors on peut le surveiller en permanence (c’est le cas dans le film), l’élever pour obtenir des pièces de rechange (ce qui revient au trafic d’organes), et même le réduire en esclavage (sexuel, économique, etc.).

Il est alors intéressant de se poser les questions inverses : si l’on surveille l’Homme en permanence, qu’on en trafique ses organes et qu’on le réduit en esclavage, comment le considère-t-on réellement ?

Maurice Zundel, excellent théologien, déclarait fort justement dans les années 30 : L’humanité est en péril de mort parce que tous les problèmes – pédagogiques, économiques, sociaux, politiques – sont posés dans l’abstrait, en l’ignorance systématique de la question qui les éclairerait tous : qu’est-ce que l’homme ?

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