Infogérance et autonomie

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La crise sanitaire de laquelle nous ne cessons de sortir à coups de confinement, déconfinement, reconfinement, couvre-feu, re-couvre-confinement-feu et autres variantes possibles a mis en lumière ce qui était, il y n’a pas si longtemps, un gros mot : l’autonomie stratégique. Elle a permis de (re)découvrir que de nombreuses productions avaient été délocalisées il y a plus ou moins longtemps (Ah ! Alcatel et les entreprises fabless…) et que, face à ce qui devenait un défaut dans la cuirasse en temps de crise, il était nécessaire de relocaliser et donc de réindustrialiser le pays.

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Certains disent que ce n’est pas si simple, d’autres encore que c’est plus compliqué que cela, s’opposant ainsi à tous les partisans de « l’intendance suivra » ou des démiurges dont la parole est performative. Pour savoir ce qu’il en est, et comme nous vivons dans une époque numérisée, il peut être utile de se pencher sur un phénomène historique pas si vieux que cela, celui de l’infogérance.

Souvenons-nous. L’infogérance était à la mode au début des années 2000. Comme l’indique la vignette d’illustration, elle allait permettre à l’entreprise, en déléguant des tâches non essentielles ou à peu de valeur ajoutée (en somme, un bon vieux dirty job), de se concentrer sur son cœur de métier, d’être plus rentable et de rendre de meilleurs services. De nos jours, on dirait que cela permettrait en outre d’avoir un meilleur bilan carbone et de veiller à sa responsabilité sociétale, tout ceci en respectant l’éthique la plus rigoureuse possible.

Les esprits chagrins qui pointaient du doigt une perte d’autonomie de l’entreprise dès lors que l’infogérance serait effective étaient priés de se taire. Les dirigeants ayant pensé à tout, le contrat d’infogérance comprenait des clauses de retour à la pleine autonomie du délégataire (la réversabilité), l’entreprise infogérante déléguée étant tenue de remettre les clés de la production/maintenance/sauvegarde informatique à son client dans de bonnes conditions en prévoyant, bien entendu, la formation des équipes récupérant cette mission.

Las, le principe de réalité continua son chemin et s’en vint passer par là !

Il ressortit de sa funeste chevauchée, digne de celle des quatre cavaliers de l’apocalypse réunis en une seule personne, que cette clause de retour en arrière était tout bonnement inapplicable. Qui en effet l’infogérant délégué devrait-il former ? Ah oui, le délégant devait embaucher. Flûte ! Et en plus il devait embaucher des personnes compétentes. Mais si les choses étaient bien faites, toutes les personnes compétentes (ou une bonne partie) étaient déjà employées par les entreprises d’infogérance. Il faudrait donc les débaucher. Mais dans ce cas, plus de formation possible si l’infogérant n’a plus personne de qualifié pour former les équipes du délégataire. Et, n’oublions pas que si nous ré-internalisons, il va falloir veiller à la protection des données du fait du RGPD. Le cercle vicieux était mis en place, mais comme de fins stratèges avaient présidé à sa naissance, ce n’était sûrement pas un cercle vicieux comme les autres.

En outre, revenir en arrière n’était-il pas reconnaître que le paradigme initial n’était que de peu de valeur ? Fi de tout cela, un stratège s’adapte à son environnement ! De plus, maintenant que l’infogérance s’est parée de nouveaux atours et a gagnée une nouvelle appellation plus sensuelle à savoir le cloud, il s’avère que toute réversabilité n’est pas la bienvenue. Au contraire. On demande même un cloud souverain, sans bien s’entendre sur la définition de souverain, ni savoir qui serait le souverain et quelles seraient les limites de son royaume.

Il ressort de tout cela, que les plus belles clauses de réversabilité au monde ne sont que la cache-misère de la fuite en avant, et que si les discours martiaux s’y réfèrent sans modération, nous ne sommes pas encore au début du commencement des prémisses de leur mise en œuvre. Externaliser, c’est peut-être beau, ré-internaliser montre qu’on a encore la tête dans les nuages (ou le cloud ?). Quant à l’autonomie stratégique…Pourquoi ne pas apprendre de ses erreurs tant qu’on y est ?

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