L’apparition du cyberespace s’est accompagnée de questions relatives à sa nature : n’était-il que la prolongation de l’informatique, était-il un nouvel espace au sens propre du terme espace, de quoi était-il composé exactement ou, en d’autres termes, de combien de couches était-il constitué ?
Rapidement, un consensus naquit sur l’existence des couches physique (ordinateurs, commutateurs, etc.) et logicielle. Nier leur existence aurait été en effet ridicule.
Cependant, une controverse plutôt larvée apparut à propos de la couche sémantique, bien que personne ne semblait nier farouchement son existence. Était-elle une couche constitutive de ce nouvel espace au même titre que les deux précédentes, ou n’était-elle qu’une élucubration accompagnant, comme de coutume en ces occasions, un phénomène nouveau ?
D’un côté, certains happy few ont, dès les commencements du cyberespace, attiré l’attention sur cette couche non technique qui venait hybrider les couches matérielles et logicielles du cyber. Leur réflexion a d’ailleurs fait progresser la connaissance de ce nouvel espace.
De l’autre, la majorité évoquait cette couche sans paraître convaincue de sa singularité, mais parce qu’elle leur permettait de ne pas laisser la réflexion sur le cyber aux seuls techniciens. Notons d’ailleurs que cet espace n’était pas vu comme un domaine scientifique, mais comme purement technique, réservé aux geeks, néologisme indispensable pour montrer que ce nouvel espace était bien étrange.
Néanmoins, cette couche sémantique nourrissait quelques débats justifiés par le fait que le cyber s’immisçait de plus en plus dans la vie quotidienne de chacun par le développement d’applications en tout genre, et que les aspects scientifique et technique ne pouvaient à eux seuls expliquer cette immixtion. Pourtant, ces débats demeuraient plutôt superficiels : si les capacités techniques du cyber étaient bien observées et analysées, il n’en était pas de même pour la couche sémantique, bien que son importance était rappelée régulièrement, même si c’était en « sautant sur sa chaise comme un cabri en disant sémantique, sémantique », la majorité des débatteurs semblant avares d’explications claires. Cela était vraisemblablement dû au fait que leur pensée était trop complexe, trop subtile, trop intelligente quoi, pour que tout un chacun les comprenne.

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Et, alors que tout semblait ordre et beauté, luxe, calme et volupté, une armée de trolls fit soudainement irruption dans leur cyber merveilleux, tout couverts de sang et de poussière, semant partout l’effroi dans leur armée entière : Referendum sur l’indépendance de l’Écosse perdu de peu (heureusement), élection de Trump, Brexit, présence de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle française, ces quatre trolls de la cyber apocalypse jetèrent la consternation et semèrent le désarroi dans un cyber bien huilé.
Tout se passait alors comme si la couche sémantique, négligée pendant des années par des vendeurs de vent, faisait soudainement irruption, tel un serpent qu’ils auraient couvé en leur sein sans s’en rendre compte.
Après un moment de panique dû à l’absence d’explication rationnelle, les fake news vinrent à a rescousse de ces bonimenteurs. Ils n’avaient pas été pris de court, c’est simplement qu’un phénomène nouveau, corollaire de la nouveauté du cyber, était apparu. L’alt truth d’abord qui finit par atteindre son paroxysme dans les fake news. Notons que la définition de ce nouveau terme peine à émerger, tant il semble difficile de le départager des bobards, intoxications, feintes, mensonges et consorts. Fort heureusement donc, telles un Antéchrist moderne précédant les quatre trolls de cette cyber apocalypse précédemment nommés, les fake news étaient la cause de ce désordre, et de même que l’Antéchrist, il était nécessaire de les enfermer pour l’éternité.
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